L’étrange Monsieur Perelman, génie russe de la mathématique

Il aime aller à l’opéra et à la cueillette aux champignons. Il ne se coupe ni les cheveux ni les ongles. Et manipule des concepts mathématiques de haute voltige en ermite, dans l’appartement de la banlieue de Saint-Pétersbourg où il vit seul avec sa mère. Grigoriy Perelman est en train de devenir un personnage de légende. Un peu parce que ses formules peuvent transformer une sphère en lapin (mais attention, pas en beignet). Beaucoup parce qu’il a gagné un prix de 1 million de dollars et qu’il n’en veut pas. Jeudi, le Clay Mathematics Institute (CMI), qui lui a décerné cette récompense, a en effet indiqué que «le docteur Perelman avait décidé de ne pas l’accepter».

Le mathématicien russe a été distingué pour avoir résolu la conjecture de Poincaré, un problème sur lequel ses confrères s’acharnaient depuis plus d’un siècle. Lors de la cérémonie de remise du prix, le 8 juin dernier à l’Institut océanographique de Paris, le lauréat brillait par son absence. En puriste, il avait déjà refusé en 2006 la médaille Fields – la plus haute distinction en mathématiques, où il n’y a pas de Nobel.

Grigoriy Perelman est né en 1966 à Saint-Pétersbourg, alors encore Leningrad, d’une mère professeur de maths et d’un père ingénieur électricien. En 1982, il gagne la médaille d’or à l’Olympiade internationale de mathématiques, à Budapest, avec un sans-faute. Au début des années 1990, après la chute de l’Union soviétique, il est invité dans diverses universités américaines, à New York et Berkeley, notamment.

Ses collègues se rappellent un personnage un peu surnaturel, guère attaché aux choses matérielles. «Il ressemblait à Raspoutine, avec ses ongles et ses cheveux longs», raconte l’un d’entre eux dans le New York Times. Interrogé sur la raison pour laquelle il ne les coupait pas, il aurait dit: «S’ils poussent, pourquoi je ne les laisserais pas pousser?» Toujours vêtu de la même veste en velours côtelé brun, il vivait d’un régime de pain, lait et fromage.

«Il avait effectivement un look assez particulier, se souvient Bruno Colbois, professeur de géométrie différentielle à l’Université de Neuchâtel, qui a assisté à certains de ses exposés. Il expliquait les choses très intuitivement, en déambulant devant nous. A la fin du colloque, il y avait deux-trois formules au tableau, c’est tout.» Les mathématiciens relèvent toutefois eux-mêmes que les personnages étranges ne manquent pas dans leur corps de métier.


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